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Delphes : Omphalos, nombril du monde Grec
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Héraklion : Trésors minoens
Athènes : Les murs parlent
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Météores : les colonnes du ciel
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Athènes : le ventre grec
Copyright textes et photos : dominique milliez
reproduction interdite sans autorisation de l'auteur
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my GREECE by dominique milliez

Iérapetra : Pêcheur et poète
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Iérapétra :
Filets verts
et vers filés
Ces arbres ne peuvent se rassasier de moins de ciel,
Ces pierres ne peuvent se rassasier sous les pas étrangers,
Et ces hommes ne peuvent se rassasier que de soleil,
Et ces cœurs ne peuvent se rassasier que de justice.
Ce pays est aussi dur que le silence,
Il serre contre son sein ses dalles embrasées,
Il serre dans la lumière ses vignes et ses olives orphelines,
Il serre les dents. Il n’y a pas d’eau. Seulement de la lumière.
Le chemin se perd dans la lumière.
Métal est l’ombre de l’enclos.
Ces arbres sont devenus pierre et les rivières et les cris dans la chaux du soleil.
La racine se heurte au marbre.
Chênes empoussiérés.
Ce mulet. Ce rocher. Haletants. Il n’y a pas d’eau.
Tous ont soif, depuis des années.
Tous mâchent une bouchée de ciel au-dessus de leur amertume.
Leurs yeux sont rouges à force de veiller,
Une ride profonde gîte entre leurs sourcils
Comme entre deux collines, au crépuscule, un fin cyprès.
Leur main est rivée au fusil
Leur fusil prolonge leur main
Leur main prolonge leur âme.
Sur leur lèvre habite la colère
Et le chagrin luit au fond de leurs yeux
Comme une étoile au fond d’un creux de sel.
Quand ils serrent les poings,
Le soleil est certain pour le monde
Quand ils sourient,
Une petite hirondelle s’échappe du buisson de leur barbe
Quand ils dorment,
Douze étoiles tombent de leurs poches vides
Et quand on les tue,
La vie grimpe la pente avec tambours et drapeaux.
Depuis tant d’années, tous ont soif, tous ont faim, tous sont tués.
Assiégés par terre et par mer
La chaleur a dévoré leurs champs
Le sel imprégné leurs maisons
Le vent a jeté bas leurs portes et les pauvres lilas de la place
La mort entre et sort par les trous de leur uniforme
Leur langue a la rugosité d’une pomme de cyprès
Leurs chiens sont morts avec leur ombre pour linceul
La pluie fouette leurs ossements.
Pétrifiés dans leur guet, ils fument la bouse et la nuit
Scrutant le large déchaîné
Où s’est englouti le mât brisé de la lune.
Le pain s’en est allé, les balles s’en sont allées.
Ils n’ont plus que leur cœur pour charger leurs fusils.
Tant d’années assiégés par terre et par mer,
Tous ont faim, tous succombent mais aucun d’eux ne meurt,
Leurs yeux brillent pendant qu’ils veillent
Et brillent un grand drapeau
Et brille un grand feu rouge,
À chaque aube des milliers de pigeons s’envolent de leurs mains vers les quatre portes de l’horizon.
Traduction de Jacques Lacarrière,
Grécité, Fata Morgana, 1976
Plus au Sud, c'est... la Libye. Sur la côte Sud-Est de la Crète, la cité de Iérapétra ne manque pas de charme. Une immense plage, de beaux monuments témoins de diverses occupations de la Crète et... son port. Rencontre inopinée et exceptionnelle, un dimanche matin, avec Giorghos, un pêcheur en train de ravauder ses filets verts. Genre taiseux,
tout comme mes "pekeus" (pêcheurs) de Normandie.
Pas grave, je sais comment les amener dans une
conversation. Giorghos me regardait du coin de
l'oeil prendre des photos. Il comprit que mon petit
manège tournait autour de lui. C'est alors qu'il est
sorti de la cabine de son bateau et m'a demandé
s'il pouvait voir mes photos. Cela lui a plu. Nous avons engagé la conversation dans un sabir gréco-franco-anglais.
Giorghos et la "Grecité"
Je compris qu'il avait vécu plein d'aventures avec son bateau. D'entrée de jeu, j'abordais le sujet de la pêche dans cette partie de la Méditerranée. On parla plus spécifiquement du meltemi, ce fort vent d'Est qui soulève la mer et rend les manoeuvres difficiles, voire impossibles. Puis, on aborda le trafic maritime intense avec des navires du monde entier en route ou en provenance du canal de Suez. Puis, Giorghos aborda le sujet des navires militaires : américains, russes, turcs, grecs... Il me raconta qu'un jour, en quête de poissons, sans y prendre garde, il s'était un peu rapproché des côtes libyennes. Il s'est alors trouvé face à l'armada occidentale chargée de soutenir les opérations contre Kadafi. Ce fut pour lui une très grande frayeur. Il mit immédiatement le cap sur la Crète sans demander son reste. Mis en confiance, j'abordais doucement le problème des migrants. En avait-il rencontré,
secouru ?
Un silence lourd s'aplatit aussitôt sur notre conversation. Derrière cette bouche désormais fermée, je vis que Giorghos était ému. J'avais touché une corde très sensible. J'étais extrêmement gêné. Je tentais un autre sujet, plus anodin : le climat. Giorghos ne parlait plus. Il garda son secret.
Je commençais à lui demander pardon, si j'avais été maladroit, lorsqu'il coupa court en me proposant de réciter (en grec) quelques vers de "Grécité", le poème de Iannis Ritsos, mis en musique par Théodorakis. Il connaissait le poème par coeur. Ainsi, les paroles de Ristos furent sa réponse. Quelle idée merveilleuse.
Lorsqu'il eût fini de filer de sa voix rauque la déclamation des vers du grand poète,
je sentis que Giorghos n'en dirait pas plus.
Je n'insistais pas. Je pris alors congé en le
remerciant simplement.
Encore bouleversé par cette rencontre, je m'engageais ensuite dans le curieux quartier des
pêcheurs de Iérapétra. Ici, se conjuguent "pierre,
mer et soleil" avec quelques magnifiques restes des occupations, vénitiennes et turques. Le poète a raison : la Grécité a du sang mêlé, "venu des quatre portes de l'horizon".